Octobre est arrivé, c’est donc le temps de parler bières allemandes! Même si l’Oktoberfest est normalement fêté en septembre, j’ai toujours trouvé que plusieurs styles allemands sont bien adaptés à l’automne (et aux derniers barbecues). Je t’offre donc une petite excursion historico-brassico-gustative en Allemagne en te présentant les grandes familles de bières d’inspiration allemande que tu peux retrouver chez nous !
Festbier & Märzen : un boire malté
La Festbier est une lager ambrée bien maltée, un peu amère, et foutrement pintable. Elle est servie en Allemagne dans les festivals d’automne en format 1 litre, le Maß, ce qu’on appelle au Québec un Bock pour des raisons qui m’échappent encore. Malgré son taux d’alcool souvent de 6 à 6,5 %, c’est incroyable à quelle vitesse ça descend vite. C’est LA bière de festival, le nom le dit. Mais outre sa fonction très évidente, ça goûte quoi?
Un amalgame de pain caramélisé et de saveurs très légèrement rôties, toutes du côté léger, signe le nez tant d’emblée qu’après la gorgée. On y retrouve souvent une légère amertume qui fait qu’elle supporte bien les plats plus gras. Les saveurs maltées mises en valeur proviennent du malt Munich (ou encore du Vienna) utilisé dans la recette. L’appellation Märzen est souvent utilisée; c’est d’ailleurs ce style qui faisait office de Festbier à l’Oktoberfest de Munich, jusque dans les années 1990 où l’appellation Oktoberfestbier est apparue.
On la retrouve souvent sous le nom Oktoberfest au Québec, mais plusieurs brassent plutôt une Märzen, un style assez semblable pour qu’on le mette dans la même boîte. On retrouve des variantes traditionnelles de Festbier dans des dizaines d’autres festivals à travers la Bavière, des grandes villes aux petits villages.
En magasin, on te recommande celle de Vrooden, brassée de manière traditionnelle avec des ingrédients allemands; ainsi que celle de LTM, une variante intéressante brassée exclusivement avec des ingrédients québécois. La comparaison vaut le coup et démontre que la provenance des ingrédients a un énorme impact sur le profil de la bière! Les Märzen de L’Hermite et Pie Braque valent aussi certainement le détour.
Accords suggérés
C’est une bière d’accompagnement par excellence pour un souper viandeux comme les Allemands et les Québécois savent les faire, surtout quand il commence à faire froid. Tant pour étancher la soif que pour réconforter le palais, c’est une bière automnale par excellence quand le soleil sait encore nous réchauffer, mais que les soirées forcent à s’habiller.
Helles Lager : l’eau des Bavarois
Parmi les bières allemandes, c’est de loin le style le plus répandu; littéralement appelé une lager claire, ou comme on dirait icitte, une blonde de souèffe!
Le style est simple: du malt pilsner, une fermentation à basse température, une pincée de houblons nobles, plusieurs semaines de conditionnement à froid et… voilà! Rien de plus simple comme bière : ça goûte le malt pilsner, point barre. Quand la recette est réussie, on ressent vraiment la saveur typique de ce type de malt d’orge, un pain frais qui remonte dans le nez à chaque gorgée. Un bel exemple d’une bière où « malté » ne veut certainement pas dire « sucré » !
Ce style est si simple qu’il est difficile à brasser : le moindre défaut transparaît. Le brasseur doit faire attention à la chimie de son eau, à ses températures de fermentation, bref, à plusieurs paramètres. Au final, quand c’est réussi, on obtient une bière qui incarne la pintabilité, qu’on peut boire et reboire.
On te propose celles de Vrooden et de Benelux, bien fidèles à ce qui se boit en Allemagne, ou encore la Lagerbier de Silo inspirée des variants franconiens.
Accords suggérés
Super versatile, la Helles trouve souvent son accord lorsqu’un plat a besoin d’être bien rincé. On a récemment créé d’excellents accords pour le restaurant Kalypso, et les lagers blondes résonnaient particulièrement bien avec leur plat de pétoncles au coco seychellois. Tu peux aussi l’apporter dans un restaurant indien ou aux saveurs bien épicée, car elle sait atténuer les plats piquants, tant qu’ils ne sont pas trop gras. Ou tout simplement servir ça à l’apéro avec toutes sortes de canapés!
Weißbier, Hefeweizen : la blanche!
La fameuse bière de fermentation haute d’Allemagne, celle qu’on appelle ici et là-bas « blanche », est en fait une bière brassée avec une majorité de blé malté (et de l’orge maltée) et fermentée par une levure très singulière. En plus de rendre la bière trouble (et non blanche, puisqu’elles sont en fait orangées), l’utilisation du blé apporte une particularité très propre à ce style : l’onctuosité.
Une blanche allemande réussie est riche en bouche, incroyablement soyeuse et excessivement aromatique. L’arôme très typique qui rappelle la banane artificielle est en fait on-ne-peut-plus naturel; c’est une molécule volatile produite par la levure, un ester qui rappelle effectivement la banane. Pense à verser la lie qui se trouve au fond!
Accords suggérés
C’est une bière délicieuse avec des saucisses blanches (Weißwurst) bouillies servies avec un gros bretzel chaud et de la moutarde sucrée, idéalement avant midi un dimanche (comme le veut la tradition bavaroise). Elle est également délicieuse avec les fromages à pâte molle pas trop salés et… des beignes à l’érable de la Pâtisserie Duquette. Essaie ça, voir!
Dunkel & Schwarzbier : les saveurs chaudes
Lager ne veut pas dire blonde : le mythe s’efface à tout jamais la première fois qu’on goûte aux bières allemandes de type Dunkel (« foncée ») ou Schwarzbier (« bière noire »), toutes les deux des lagers. C’est là qu’on comprend que le terme lager ne fait référence qu’à la méthode de fermentation et au conditionnement supplémentaire, prolongé et à froid, que subissent ces bières.
Dans les deux cas, ce sont des bières qui surprennent toujours par leur pintabilité, parce qu’on associe généralement ces couleurs à des bières lourdes, sucrées, fortes en alcool. Mais il n’en est rien ! Si tu penses ne pas aimer les bières foncées, c’est avec ces deux styles là qu’il faut réessayer.
Accords suggérés
Tout ce qui est rôti, grillé, ou qui s’approche des saveurs de barbecue. Une dunkel avec un sandwich au porc effiloché, c’est quelque chose. Une schwarzbier avec les ailes fumées du Fumoir de North Hatley (qu’on vend en magasin!), c’est un must.
Kölsch : bières allemandes d’exception
D’abord, la Kölsch n’a absolument rien de bavarois; c’est un style originaire de la ville de Cologne. Son histoire est cependant assez particulière qu’elle mérite une mention en ces jours de soif. D’autant plus que plusieurs brasseries québécoises en font d’excellentes interprétations!
En gros, en 1896, un groupe de brasseries a créé la Kölsch Konvention. On pourrait penser qu’il s’agit d’une loi régissant la manière dont cette bière doit être brassée, mais il n’en est rien : c’est une convention qui régit l’activité commerciale des brasseries qui peuvent la produire : ce qu’on peut écrire et ne pas écrire sur la bouteille, comment le nom peut être utilisé, et, bien sûr, qui peut l’utiliser. Il n’y a qu’une seule phrase dans tout le document qui définit les caractéristiques du liquide lui-même. La voici, en traduction libre :
« Une bière blonde de haute fermentation brassée selon la Loi de la pureté, bien atténuée et accentuée de houblon. »
C’est large en maudit. Sauf que les brasseurs québécois qui l’interprètent tournent autour d’un certain thème, soit une blonde assez pintable qui se différencie des ales anglaises par ses ingrédients et par son goût, se rapprochant plus des lagers européennes. D’une interprétation à l’autre, on en retrouve des plus maltées, des plus sèches, des bien houblonnées, mais on s’amuse toujours autour du même thème : bière de soif.
Dieu du Ciel! et Moulin 7 ont été dans les premiers au Québec à tester ce style, et elles sont bien distinctes : la première rappelle les lagers européennes par son houblonnage délicat, mais franc, et se pinte sur un moyen temps; la deuxième, brassée avec du malt sherbrookois, est plus mielleuse et axée sur les saveurs maltées, tout en demeurant désaltérante. Ont ensuite suivi plusieurs autres microbrasseries, dont L’Hermite et Ras l’Bock que nous avons presque toujours, et celle de 8e Péché, qui met l’accent sur un houblon alsacien.
Accords suggérés
La Kölsch tend à être très flexible à table, mais s’accorde particulièrement bien à un lunch de travailleur : sandwich au jambon et brie, tel que testé pour le Marché Lavallée, une boucherie à Mégantic dont nous sommes partenaires et qui propose un bel éventail de bières de microbrasseries.