Comment faire la cour à une bière 12 février 2018

Comment faire la cour à une bière

Que ce soit pour oser ou prendre son temps, à table ou sur un divan, une bonne bière mérite une attention particulière. Au fil du temps et des verres, on apprend plein de petites choses qui, ensemble, font une bonne dégustation. Sais-tu servir une bière? Voici mes conseils.

Frette ou tablette?

D’une complexité irrésistible, la bière renferme une panoplie de molécules aromatiques volatiles projetées par son effervescence, lesquelles la température, largement, influence.

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J’aime déposer ma bière sur le comptoir une bonne demi-heure avant de la boire; une bière trop froide est une expérience hâtive sans profondeur. L’arrivée des arômes à notre nez s’en voit grandement affectée. Froide, ses molécules les plus volatiles réussissent à percer : fraîches, fruitées, florales, végétales, légères, et les esters.

Beaucoup plus de bières qu’on le pense méritent d’être servies au moins à 12˚C. En réchauffant prennent le dessus les arômes maltés, chauds, cuits, céréaliers, caramélisés, torréfiés, vanillés, boisés, les esters, les phénols, etc.

Les sucres résiduels ressortent quand la bière est plus chaude. Les bières issues d’assemblages vieillis, celles aux arômes chauds (scotch ale, dubbel, rousses, etc.), celles moins gazées (inspiration anglaise) et la majorité des bières noires s’expriment beaucoup plus en réchauffant, tellement que certaines se servent à température de cave (12-18˚C).

L’acidité et l’amertume ressortent quand la bière est plus froide. Les bières que l’on désire mordantes, comme les berliner weisse, les IPA et les saisons, peuvent être servies autour de 6˚C; elles atteindront rapidement la température idéale si elles n’y sont pas déjà, puis s’approfondiront avec le temps, et surtout, l’énergie.

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Certaines bières plus complexes sont aussi intéressantes froides que tempérées; leur évolution dévoilera une succession d’arômes à mesure qu’elles réchauffent. Une bière trop sure peut être oubliée 30 à 60 minutes dans le verre pour laisser les saveurs maltées prendre le dessus.

Pendant que ça réchauffe, choisis ton verre.

Un verre sur les lèvres

Le verre fait partie de l’expérience. On savoure la bière des yeux, on l’anticipe; elle ne peut être qu’embellie et rehaussée par le contenant choisi.

Lorsqu’on partage des bières, un verre ballon d’environ 12oz semble idéal peu importe la bière; le verre n’a pas l’air trop vide, mais il permet aux arômes de se concentrer dans la coupe. Plus le verre est mince, plus il sera facile de réchauffer la bière.

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Lorsqu’on s’ouvre une bière individuelle, sortir un verre spécial, qu’il soit réfléchi ou non pour le style, peut toujours être intéressant. Essaie une forte d’inspiration belge dans un calice, une hefeweizen dans un verre élancé et sinueux, un stout impérial dans un gros ballon, ou encore mieux, une bière dans son verre original, si elle en a un.

Développe une bonne pratique de rincer tes verres abondamment à l’eau très chaude lorsque tu les laves; le moindre résidu de savon pourrait défigurer une bière! Entre les dégustations, il n’est pas nécessaire de rincer son verre, mais je le recommande si tu viens de boire une bière fumée, très torréfiée ou brassée avec une épice puissante.

Allez, rinre ton verre, on va le remplir.

Décanter, c’est servir dans un verre

J’aime verser une bière lentement tout en la présentant. L’attente excite l’expérience et l’histoire l’enrichit. Nul besoin d’être spécialiste, simplement de raconter quelque chose en lien avec la bière; mais verser, ça s’apprend.

Lorsqu’on déplace une bière, on veut éviter de déranger le sédiment, la lie, s’il y en a une. Si on se rend ailleurs avec notre bouteille, il est bon de la laisser reposer une bonne demi-heure avant de l’ouvrir.

La lie peut souvent être ajoutée plus tard dans la dégustation puisqu’elle peut affecter les arômes et la texture de la bière, positivement ou négativement. Cependant, d’autres molécules en suspension peuvent se déposer (tannins, houblon, pectine, etc.) surtout avec l’âge; il est possible que la bière soit plus ou moins plaisante à déguster, avec ou sans lie.

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Pour partager une bouteille sans verser la lie, tiens la bouteille par le fond et évite de la redresser entre les services. Verse délicatement pour minimiser les remous qui pourraient soulever la lie. Retiens un bon fond en surveillant l’arrivée de la lie à travers le cou de la bouteille (une lumière directe aide à mieux voir) et arrête. Ajoute la lie à ton verre lorsqu’il ne te restera que quelques gorgées.

Traditionnellement, les bières de blé allemandes (Hefeweizen, Weißbier, Weiße, Dunkelweiß, Weizenbock, etc.) sont servies avec la lie. Dans un verre long, verse le 4/5 de la bière délicatement. Prends 2-3 gorgées, puis brasse vigoureusement le fond de la bouteille pour soulever la lie et créer beaucoup de mousse; verse ce mélange sur le dessus de la bière et goûte la différence.

En versant, il peut être bon d’oxygéner la bière en essayant de produire un collet raisonnable. Certaines bières, particulièrement en vieillissant, peuvent avoir des arômes moins plaisants qui s’effaceront rapidement au contact de l’oxygène. Une bonne effervescence aide également à projeter les arômes.

Prépare tes bouteilles, on déguste.

Organise ta dégustation

Pour une sélection donnée de bières, on pourrait penser qu’il y a un ordre parfait, qu’il y a une règle simple à suivre pour ordonner une dégustation. Si seulement la vie était si simple.

On peut en fait se fier à plusieurs choses et essayer de tirer des conclusions. L’amertume et la présence d’ingrédients astringents (malt torréfié, forte acidité, tannins, certains fruits, etc.) peuvent tous aider à ordonner les bières; plus il y en a, plus on les garde pour la fin — particulièrement le malt torréfié — parce qu’ils saturent certains sens et persistent en bouche.

Les bières sures et sucrées peuvent être alternées pour assouvir la langue. Généralement, les fortes amertumes deviennent désagréables après une bière sure. Les bières sèches, quant à elles, peuvent être agressantes après une bière sucrée (mais l’inverse est souvent agréable). Les bières maltées et houblonnées peuvent être alternées pour stimuler les sens en complément.

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Le taux d’alcool, quant à lui, semble moins significatif puisqu’on a, d’un côté, des bières très douces et délicates, comme la Lupulus qui titre 10% d’alcool; de l’autre, des bières mordantes et persistantes comme la IPA de session de l’Hermite qui ne titre que 4%.

La température peut aussi guider une dégustation, dans la mesure où l’on doive laisser certaines bières se réchauffer. Voir plus haut.

Tout le monde est là, la bière est prête.

Déguste.

Il n’y a pas de formule secrète, de protocole à suivre. Suis tes sens. Déshabille-la du regard, laisse-toi bercer par ses arômes aussi longtemps que tu sentiras quelque chose de nouveau, prends une première gorgée, ou toutes ces réponses.

Tu peux sentir du bord du verre ou le nez plongé; de par la nature des molécules aromatiques, ça ne sentira pas la même chose. Tu peux aussi garder ta gorgée en bouche plus ou moins longtemps, la promener pour à la fois la réchauffer et la dégazer. Tu peux mélanger deux bières ensemble voir qu’est-ce que ça fait. Y’a pas de règles, c’est juste de la bière.

C’est l’expérience, le souvenir gustatif qu’on créé avec, qu’on discute, qu’on raconte et qu’on essaiera de retrouver un jour qui importe vraiment.

Santé et bonne bière!

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