Lorsqu’on a entendu parler de l’ouverture de Robin Bière naturelle à Waterloo, on n’a pas pu s’empêcher d’aller faire un tour, d’autant plus qu’il s’agit du 20e permis de brassage maintenant actif sur le territoire des Cantons-de-l’Est! Je prends la route avec Nicolas et Jasmin, me demandant s’il y allait avoir une foule à l’ouverture.
On entre; c’est, en bon français, jam-pack. Dans cet immeuble qui passe plus ou moins inaperçu, le petit salon de dégustation bien décoré et chaleureux est rempli de curieux.ses avec une bière à la main et un sac de bouteilles take-out dans l’autre.
Derrière le bar, cinq femmes s’affairent à servir des formats 5 ou 10 oz à prix très modiques, à astiquer de magnifiques verres de dégustation ou à ensacher deux bières en bouteille vert foncé arborant des étiquettes bien artistiques, soit dans un beau sac en papier brun, soit dans un sac en coton, tous deux décorés du gros R très typé. D’ailleurs, sur le mur opposé au bar, les oeuvres figurant sur les étiquettes sont affichées grandeur nature et tridimensionnelles.
Un concept singulier
Aidé d’amis et de famille, Mathieu Noiseux-Boucher, cofondateur, prend le temps de jaser avec nous et, surtout, de nous faire visiter son petit projet. On découvre qu’il ne s’agit en fait pas d’une brasserie à proprement parler, mais bien de ce qu’on pourrait appeler un fermentorium —je ne suis honnêtement pas certain qu’il existe un terme francophone précis pour cela, alors je vous explique ce qu’ils font.
Chez Robin, l’histoire commence avec un moût, à ce jour brassé chez Vrooden. Le moût fraîchement reçu est fermenté dans une cuve horizontale fabriquée à partir d’une ancienne cuve à lait, un demi-cylindre couché, tranché sur le long. Après une brève fermentation dans cette cuve de stainless, le moût est transféré dans des barils de chêne, dans une salle qui occupe la majorité de l’espace de production. Les barriques sont sélectionnées et assemblées pour créer des bières avec un profil spécifique; un art qui existe depuis bien longtemps, notamment dans le monde du vin et des spiritueux vieillis. Par après, l’assemblage refermente en bouteille pendant quelques mois.
Les barriques de Robin, bien qu’elles soient usagées (la plupart ont préalablement contenu du vin), sont plutôt neutres parce qu’elles sont assidûment nettoyées avant d’y mettre la bière; l’idée de Robin est de développer sa propre flore de levures et de bactéries dans le bois pour créer, lentement, une saveur maison.
La flore?
Elle est particulière parce qu’elle contient, notamment, une levure sauvage récoltée sur un pommier d’un verger de Magog. En plus de cela, des brettanomyces et lactobacilles complètent le cocktail maison de micro-organismes de Robin. Éventuellement, les propriétaires aimeraient avoir un bac refroidisseur (koelschip) pour travailler avec la flore naturelle de l’environnement de Waterloo.
Pis… la bière?
Une paire figurait au menu : Léa, la bière de soif, et Achillée, une bière qu’on pourrait qualifier « de gruit », toutes deux de fermentation mixte, assemblées, puis refermentées en bouteille.
Léa a été embouteillée en novembre dernier. Elle est définie comme une saison de blé (puisqu’ils utilisent une levure saison en fermentation primaire), composée de barriques d’au moins 3 mois d’âge, et également fermentée par d’autres levures et bactéries. Elle est douce, exhale des arômes fermiers frais et presque printaniers et pince légèrement la langue avec une acidité contrôlée, à mon avis, notamment par la texture, à laquelle le seigle contribue aussi. Croyez-moi, c’est affreusement pintable.
Achillée est une autre paire de manches, aromatiquement du moins. Brassée avec de la fleur d’achillée (un ingrédient traditionnellement utilisé dans la bière en Europe avant la popularisation du houblon), de la fleur d’armoise, de l’épinette et du mélèze. Ensemble, ces botaniques créent un puissant bouquet qui m’a instantanément rappelé le basilic. En bouche, c’est beaucoup plus malté, sans être plus sucré; l’acidité colle un peu plus longtemps et c’est une expérience forestière bien dosée, du début à la fin. Un peu plus lourde, elle était de circonstance, saisonnièrement parlant.
Bref, on n’est pas partis de là sur notre soif. L’accueil était chaleureux, la bière à la fois intéressante et délicieuse. On nous a parlé d’une triple belge qui fermente présentement en fût de chêne avec du jus de pommes cryoconcentré, qu’on a bien hâte de goûter. Surveille Robin — bière naturelle, ça s’en vient au Vent du nord. Inscris-toi aux nouveautés textées pour être le premier mis au courant de l’arrivage!
Oh et un gros merci à Émile de nous avoir légué son appareil photo. J’ai eu ben du fun à faire ça!