Quoi de mieux que de te désaltérer avec une bière de chez nous pour la St-Jean?
Il faudrait d’abord qu’on s’entende sur ce qu’est une bière 100% québécoise. En posant la question, on se rend compte que l’interprétation varie beaucoup d’une personne à l’autre. On prend donc la liberté de te dresser un portrait des familles de bières québécoises, quatre définitions avec lesquelles tu peux être ou ne pas être d’accord.
1. L’internationale d’Amérique du Nord d’expression franco-anglo-québécoise
Celle-là provient des grandes entreprises dont une partie des activités ont lieu sur notre territoire. Des gros joueurs qui ont été achetés par des multinationales d’ailleurs, par exemple.
Pensons à Unibroue qui, à la base, était 100% québécoise, et qui trouve même son origine en Estrie; rachetée par les brasseries Sleeman en 2004 pour 36 M$, lesquelles ont été à leur tour achetées par le géant japonais Sapporo pour 400 M$ à peine 2 ans plus tard. Pouvons-nous encore dire que la Blanche de Chambly est une bière québécoise? D’origine, certainement. Puis, qu’en est-il de Molson, la première brasserie canadienne née à Montréal en 1786, où se trouve encore aujourd’hui son siège social?
Des Québécois travaillent dans ces brasseries d’origine québécoise; ces institutions jouent (et ont joué) un rôle direct dans notre économie. Cependant, comme la bière n’est pas nécéssairement brassée au Québec et que l’entreprise est détenue par un groupe étranger, peut-on réellement dire que le produit est québécois? C’est ce qui nous emmène à la seconde catégorie.
2. La Québécoise de microbrasserie
Là, on parle de toutes les brasseries québécoises dont toute la production se fait au Québec, l’intérêt desquelles est 100% québécois. On ne parle pas encore ici de la provenance des ingrédients, mais bien du fait que la production ait lieu en sol québécois et que les salaires, profits, l’intérêt ultime de la brasserie reste en sol québécois.
C’est la bière qu’on nomme québécoise, la microbrasserie bien québécoise, celle qu’on te sert à longueur d’année, celle que tu viens très souvent acheter chez nous. On parle de ta toute petite brasserie artisanale de quartier, mais aussi des pionniers devenus grands, toujours 100% québécois, comme Boréale, McAuslan et Brasseurs RJ. D’ailleurs, bien que des amateurs de bière snobent ou oublient parfois les produits de ces plus grosses brasseries, rappellons-nous qu’ils ont pavé le chemin de la microbrasserie au Québec et brassent encore aujourd’hui des produits d’une qualité exceptionnelle.
3. La Québécoise à saveur du terroir
Elle est un segment de la 2e catégorie. Il s’agit d’une tendance niche, mais bien existante : brasser avec des ingrédients québécois. Ce marché de matières premières étant beaucoup plus petit, surtout en ce qui a trait au houblon, peu de brasseurs en font leur gagne-pain.
Parmis les brasseries qui n’hésitent pas à brasser avec beaucoup de malt québécois, nous retrouvons le Naufrageur, la Chouape, Aux Fous Brassants, Frampton Brasse, et on en passe. Les malteries québécoises se comptent d’ailleurs sur les doigts d’une main.
Le houblon québécois est une industrie très jeune qui peine à concurrencer les houblons internationaux, mais qui ne lâche pas prise; ces dernières années ont vu naître plusieurs houblonnières que des brasseurs ont intégré à leurs recettes avec succès, notamment les Jarrets Noirs en Beauce, Houblons de la Montérégie à Beloeil, Houblon de Dunham, Houblonnière Lupuline en Outaouais, et on en passe…
Finalement, on compte aussi une multitude d’ingrédients non conventionnels provenant du terroir québécois avec lesquels des brasseurs aiment expérimenter. Des classiques commes les fruits, les épices, les fines herbes, mais aussi des choses moins communes, comme les algues, les fruits de mer, etc.
4. La Québécoise de souche
Il ne s’agit pas d’une référence à caractère racial de mauvais goût; ici, c’est littéralement une question de souche.
Selon nous, la bière de souche, en plus d’être brassée ici et uniquement avec des ingrédients québécois, est fermentée avec une levure québécoise. Il faut comprendre que la quasi totalité des bières québécoises sont fermentées par une levure reproduite en laboratoire, souvent aux États-Unis, et sont d’origine internationale (ex. une levure belge pour produire une bière d’inspiration belge).
Il s’agit cependant d’isoler un microorganisme trouvé dans la nature au Québec, aussi simple que ça puisse paraître (indice : ça ne l’est pas). C’est le cas, notamment, de la récente Flore du Québec de Pit Caribou : une bière conçue à partir d’ingrédients québécois dont la levure a été récoltée par leur herboriste sur une branche de cerisier non loin de la brasserie.
Et de certaines autres. Depuis 2013, plusieurs Annedd’ale, un style de bière produit à partir du sapin baumier et d’une souche de la levure Jean-Talon (de l’ancien site de la première brasserie érigée en Nouvelle France pour l’intendant du même nom) voient le jour, occasionnellement.
Donc, qu’est-ce qu’une bière québécoise?
Faut-il impérativement qu’une bière soit produite à partir d’une levure isolée en sol québécois pour être considérée 100% québécoise? Y aurait-il alors une différence entre une bière 100% québécoise et une bière fabriquée d’ingrédients 100% québécois?
Tout dépend de ton interprétation. Quoi qu’il en soit, on te souhaite de boire de la bonne bière, celle que tu considères comme québécoise, celle qui s’accorde le mieux avec cette journée de fierté et de célébration identitaire.