Alors qu’on est dans le vif de la rentrée, on a décidé d’aller voir ce qui se brassait sur les campus sherbrookois… et on te parle pas des rafraîchissements dégustés durant les initiations! Que tu sois brasseur ou brasseuse maison intéressé.e par des connaissances d’appoint ou quelqu’un qui ne connaît pas le dynamisme du Sherbrooke scolaire en matière de bière, on t’emmène prendre connaissance des formations brassicoles du coin pour constater l’importance de la science dans ta canette préférée! Premier arrêt : Université Bishop’s à Lennox pour en apprendre plus sur Bishop’s Arches!
Son certificat de deuxième cycle en science brassicole s’adresse aux trippeux et aux trippeuses de bière qui souhaitent en savoir plus sur la science qui se cache dans leur bock. Au menu : laboratoires, analyse de données, brassage expérimental, création de recettes en jouant avec les multiples variables du processus brassicole. Munie d’un arsenal franchement impressionnant pour un programme qui n’a que cinq ans d’existence, la petite cohorte étudiante jongle avec les différentes composantes de la bière afin de comprendre ce qui se trame au niveau moléculaire. De beaux défis et beaucoup d’apprentissages en perspective.
Le pourquoi et le comment de ta pinte
Avec sa petite équipe d’une demi-dizaine de professeurs passionnés et une cohorte d’une quinzaine d’étudiantes et d’étudiants par session, le programme forme les brasseurs, mais aussi les chimistes de demain. Parce que, crois-le ou non, il y a une mine d’or de science dans ta bière. Un ancien étudiant du programme présent lors de mon passage m’explique d’ailleurs sommairement (mais passionnément!) ce qui se dissimule derrière une pinte. Il présente le profil type de l’apprenti chez Bishop’s Arches : diplômé de l’Université de Sherbrooke en microbiologie, il a rejoint le programme pour son côté scientifique. Déjà initié à l’art – ou devrais-je dire la science – du brassage, il dévoue, comme la majorité de ses collègues de classe, un intérêt particulier aux levures et aux merveilleuses et savoureuses choses qu’elles peuvent produire.
Quand la science devient un art
C’est bien beau, toutes ces longues heures de labo et d’analyse, mais à quoi ça sert pour quelqu’un qui veut brasser de la bière? Eh bien, Dale Wood, fondateur du programme, a pour conviction que la science est le secret derrière une bonne bière. « Quand tu comprends ce qui arrive là-dedans, tu peux le reproduire, l’améliorer et l’apprécier pleinement. Trop de brasseurs et d’aide-brasseurs sont formés à appuyer sur des boutons sans en comprendre les répercussions. Notre but ici, c’est de rendre ce savoir-là accessible à tout le monde, de rendre les gens autonomes et pleinement capables d’analyser leurs bières. »
Parce que oui, l’analyse d’un produit brassicole s’avère un besoin criant au Québec. Giovanni Venditti, lui-même diplômé du programme et maintenant coordonateur du programme, explique que dans une industrie où le client s’attend à avoir un produit stable d’une canette à l’autre, la compréhension et la maîtrise des éléments chimiques de la bière peuvent faire toute la différence. Le département de chimie et sciences brassicoles de Bishop’s a ainsi été approché à plusieurs reprises par des microbrasseries aux prises avec un défaut dans un brassin. Elles se tournaient alors vers l’équipe experte pour des analyses scientifiques rigoureuses capables de rectifier le tir.
Pour les cohortes étudiantes, cela signifie un apprentissage immersif et pratique, avec le microscope bien pointé vers le vrai monde du brassage. Pour les brasseries, ça veut dire un résultat professionnel et efficace, le tout à moindre coût. C’est gagnant-gagnant, et c’est ce qui rend l’équipe aussi dévoués envers ce programme.
D’ailleurs, en terme d’expériences concrètes pour les étudiants, on peut penser à Lagarto, cette belle canette mauve qui est née d’une collaboration entre 11 Comtés et Bishop’s Arches. Et si jamais tu veux essayer les meilleurs brassins sortis directement du labo, ils sont disponibles en bouteille chez Doolittle’s, le dépanneur sur le campus de l’Université Bishop’s.
Et le futur, ça s’enligne vers quoi?
Le trio que j’ai rencontré s’entend sur une chose : l’expansion du programme (et, par la bande, de la production permettant la vente des produits), c’est oui, mais pas à toute vitesse et surtout, pas à tout prix. Alors que je l’interroge à savoir si Bishop’s Arches compte se lancer sur le marché à plus grande échelle, Giovanni ne manque pas de me rappeler la mission première de la brasserie : l’éducation. Comme elle est d’abord et avant tout une brasserie en milieu scolaire, elle n’a pas à suivre de calendrier de production avec des brassins récurrents ni à se soucier de questions financières. Cette liberté représente un énorme avantage pour les étudiants et étudiantes. Épaulés par leurs profs, ils possèdent ainsi toute la latitude pour mener des tests, valider l’influence des divers facteurs, paramètres et ingrédients et, au final, apprendre! Ça, c’est quelque chose qui vaut beaucoup plus que des profits aux yeux des trois passionnés.
Un peu à l’image du monde de la microbrasserie au Québec, l’offre éducative dans le domaine est loin d’être saturée, bien au contraire. À titre d’exemple, tout le long de la Côte ouest des États-Unis, on compte moins d’une dizaine d’écoles qui offrent une formation dans le genre. Le rêve de Dale? Créer l’équivalent de son certificat en brassage au niveau du baccalauréat. Dignes de notre chère industrie brassicole québécoise, ses aspirations à démocratiser ce savoir scientifique ne pourront se réaliser sans la précieuse collaboration des passionnés de bons boires d’ici. Après tout, c’est tout le milieu de la microbrasserie qui peut profiter d’un peu plus de science dans son verre, toi, le premier, toi, la première, amateur et amatrice de bière!
Alors que ce soit parce que tu veux te réorienter – la moyenne d’âge des diplômé.e.s du programme se situe dans la trentaine et la majorité est en réorientation professionnelle – ou bien parce que tu as la science qui te coule dans les veines, il y a assurément une place pour toi chez Bishop’s Arches. Sinon, si t’es plus du genre à déguster les chefs-d’œuvre des brasseurs d’ici, tu peux être fier.e, car la scène brassicole locale est en pleine effervescence. Sherbrooke est vraiment en train de devenir une destination bière à tous les points de vue, et on forme de la méchante belle (et bonne!) relève! C’est aussi, ça, Sherbière!